Abeilles et fleurs locales : l’interdépendance
Qui n’a jamais observé une abeille bourdonner autour de massifs fleuris, virevoltant de fleur en fleur ? Certaines récoltent pollen et nectar de manière méticuleuse : c’est le cas des abeilles à miel qui mélangent ces substances avec un peu de salive pour former de petites boules qu’elles transportent dans des réceptacles situés sur leurs pattes arrière : les corbeilles. D’autres espèces d’abeilles ne s’embarrassent pas de ce protocole et se recouvrent le corps de pollen pour rentrer le plus vite au nid : c’est le cas des abeilles maçonnes. Mais il existe un point commun entre les milliers d’espèces d’abeilles qui peuplent la planète : elles sont en recherche perpétuelle de fleurs à butiner, de la manière la plus efficace possible. Et ne vous méprenez pas : les fleurs ont elles aussi besoin des abeilles pour vivre et se reproduire !
Comment abeilles et fleurs locales ont-elles évolué les unes en fonction des autres au fil des millénaires ? Pourquoi est-il primordial de préserver le fragile équilibre des écosystèmes locaux ?
Des abeilles qui ne peuvent pas vivre sans fleurs
Pourquoi le quotidien des abeilles semble-t-il tourner autour de ces deux précieuses substances que sont le pollen et le nectar ? Tout simplement parce qu’elles en ont besoin pour vivre ! Elles s’en nourrissent bien sûr, mais pas uniquement. Un grand nombre d’abeilles solitaires stockent du pollen dans leur nid : leur descendance s’en nourrira pour passer du stade larvaire à celui d’abeille. Au fil des millénaires, l’anatomie de l’abeille a d’ailleurs évolué pour répondre au besoin vital de se nourrir : elles sont devenues plus poilues, ce qui leur a permis de transporter davantage de pollen. Nous verrons plus tard que les abeilles ont développé de nombreuses autres spécificités pour s’adapter aux espèces florales présentes dans leur environnement direct.
Les fleurs sont aussi indispensables aux pollinisateurs pour d’autres raisons que leur production de pollen : certaines abeilles ont besoin des pétales pour faire leur nid (comme l’anthocope du pavot qui utilise exclusivement les pétales du coquelicot). D’autres, comme les abeilles cotonnières, prélèvent des fibres végétales sur des plantes, qu’elles assemblent en une matière cotonneuse qui protègera leur descendance dans les nids.
Des fleurs dépendantes des abeilles pour se reproduire
De nombreuses espèces végétales sont dépendantes de la pollinisation pour se reproduire. Autrement dit, il faut que le pollen d’une fleur soit déposé sur le pistil d’une autre fleur de la même espèce. Si le vent peut se charger de la pollinisation de certaines plantes, il n’est pas efficace sur d’autres dont le pollen est trop lourd ou trop collant. Ces dernières dépendent donc entièrement des insectes pour se reproduire (on parle d’espèces entomophiles). Et l’une des grandes championnes de la pollinisation, c’est l’abeille ! Sans insectes pollinisateurs, c’est tout un pan de diversité végétale qui disparaîtrait.
Si nous avons vu précédemment que certaines abeilles ont besoin de fleurs bien spécifiques pour vivre, l’inverse est aussi vrai ! Il existe des fleurs qui ont une morphologie telle que seules des abeilles bien précises de leur environnement peuvent les polliniser.
Comment les abeilles et les fleurs locales ont-elles évolué les unes en fonction des autres ?
Des fleurs qui ont développé des stratégies pour attirer les abeilles
Les abeilles et les fleurs sont interdépendantes : les unes ne peuvent pas vivre sans les autres. On parle de mutualisme. Au cours des millénaires, les fleurs ont développé toutes sortes de stratégies pour attirer davantage d’insectes pollinisateurs : couleurs, formes, odeurs… Jusqu’à mettre en place des leurres incroyables : les orchidées du genre orphys imitent l’apparence et l’odeur des abeilles femelles qui les pollinisent. Les mâles ainsi trompés visitent la fleur en pensant rencontrer une femelle. Ils sont accueillis par des étamines pleines de pollen que la fleur dépose sur l’abeille !
Autre exemple d’adaptation remarquable : le romarin qui a vu son pistil et ses étamines se courber au fil du temps. Cela permet de déposer simplement le pollen sur l’insecte venu visiter la fleur, et de faciliter la réception du pollen par le pistil.
Des abeilles dont l’anatomie et le comportement se sont adaptés aux plantes environnantes
A l’inverse, certains insectes ont développé des spécificités au cours de l’évolution, leur permettant de s’adapter aux plantes de leur environnement. C’est le cas de la guêpe agaonidae, dont l’anatomie s’est peu à peu transformée pour s’adapter aux figuiers : elle a même des ailes détachables pour pouvoir pénétrer à l’intérieur de la fleur inversée qui donnera le fruit ! Elle peut donc s’introduire sans mal dans une figue pour y déposer ses œufs.
Mutualisme obligatoire ou comment une espèce animale et une espèce végétale ne peuvent pas vivre l’une sans l’autre
Reprenons l’exemple de notre guêpe du figuier. Après éclosion, les femelles s’envolent pour pondre à leur tour dans d’autres fleurs, en y déposant alors le pollen de leur fleur d’origine. C’est le seul insecte capable de polliniser le figuier grâce à ce mode opératoire bien particulier : si la guêpe agaonidae venait à disparaitre, les figuiers ne pourraient plus se reproduire. A l’inverse, la fleur de figuier est la seule dans laquelle la guêpe pourra pondre ses œufs. Sans figuier, la guêpe n’aurait plus d’endroit où pondre et ce serait la disparition de l’espèce. Cette codépendance est le parfait exemple de mutualisme obligatoire : Ces deux espèces ont évolué l’une en fonction de l’autre et la survie de l’une dépend de la survie de l’autre.
Cette stratégie mutualiste développée par les insectes et les végétaux est une telle réussite que 170 000 plantes et 200 000 espèces animales sont concernées. Elles sont responsables de 35% de la production des cultures alimentaires dans le monde.
Pourquoi est-il essentiel de préserver les abeilles et fleurs locales ?
Au vu des exemples précédents, nous comprenons aisément que fleurs et abeilles locales ont évolué les unes en fonction des autres et qu’elles ont ainsi développé une dépendance mutuelle. Il existe donc de nombreux écosystèmes distincts sur le territoire français, dont le fragile équilibre s’est formé en tenant compte d’une multitude de paramètres : climat, type de sol, espèces végétales présentes, espèces animales présentes, etc. Modifier un seul de ces paramètres peut avoir des répercussions sur l’écosystème global. Ainsi, nous ne rencontrerons pas exactement les mêmes espèces animales et végétales dans le nord de la France que dans le sud, en montagne et en bord de mer, dans des zones sèches ou des zones humides. Et au sein d’une même espèce, les individus peuvent développer des caractères différents d’une région à l’autre, pour s’adapter à leur environnement !
C’est pourquoi il est primordial de préserver les spécificités locales en favorisant le développement d’espèces endémiques, qu’elles soient animales ou végétales.
Les équilibres des écosystèmes locaux sont fragiles parce qu’ils dépendent d’un très grand nombre de paramètres. Modifier l’un de ces paramètres revient à déséquilibrer ce que la nature a mis des millénaires à construire ! C’est pour cela que les Dorloteurs ont toujours mis un point d’honneur à renvoyer les cocons d’abeilles maçonnes dans leur région d’origine. Et aussi pour cela que nous sommes sur le point de franchir une nouvelle étape en nous engageant dans la protection de la biodiversité végétale locale. On vous en dit plus très bientôt…